« Mon fils a essayé de m’expliquer, mais il va trop vite, je n’ai rien compris. Pour lui c’est facile, il est ingénieur informatique »
« Mes enfants m’ont offert cet ordinateur il y a 2 ans. Quand je leur demande comment faire ça ou ça, ils s’énervent au bout de 5 minutes parce que je ne vais pas assez vite et ne comprends pas ce qu’ils m’expliquent »
Ce genre d’anecdotes on m’en sert toutes les semaines….
Je suis sidéré de voir régulièrement dans mon atelier des personnes qui utilisent un ordinateur, des fois depuis plus de 10 ans, et qui ne savent même pas déplacer leurs photos dans un dossier. Même le clic-droit leur est inconnu !!!
Et cela démontre un constat plutôt navrant : nos anciens sont souvent délaissés face à l’outil informatique, alors que l’entourage proche (nous) pourrait très bien les former.
Mais voilà, peu d’entre nous ont une formation ou une aisance naturelle dans ce qui se nomme la pédagogie.
Il est inutile de sortir des grandes écoles pour enseigner l’utilisation d’un ordinateur. Il faut simplement apprendre à transmettre notre savoir, aussi minime soit-il.
Je vais donc m’appliquer ici à vous donner le B.A.-BA pour devenir des formateurs efficaces.
Intéressés ? Alors suivez le guide, le cours commence.
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NOTIONS DE BASE
- Voici la pyramide d’apprentissage =>
Elle représente ce qu’en moyenne on a retenu de quelque chose 24 heures après.
Les 5% tout en haut représentent donc ce que vous aurez retenu suite à un cours dit « Magistral » : en gros, le prof qui blablablate devant sa classe qui reste, elle, inactive. C’est ce qu’il faudra éviter à tout prix. Bien entendu on sera bien obligé de blablater (un peu) pour introduire notre cours ou répondre à une question.
Les 30% de « suivre une démo », c’est donc ce que vous montrerez à votre élève, en faisant devant lui un exemple concret.
Les 75% de « Faire » seront, de votre situation de formateur, à transformer en « faire faire (à son élève) » bien entendu, ceci à l’issue de la démonstration (30%) faite juste avant.
Gardez à l’esprit que ces chiffres ne sont pas cumulatifs : 30% + 75% cela donne 105%.
Et aussi cela dépendra de la réceptivité de votre élève… et de la qualité de votre intervention : une présentation brouillonne ou une voix monotone rendront moins intéressante votre leçon.
Ceci fait que notre cours va s’articuler ainsi pour avoir une portée maximale :
- Présentation du cours: « aujourd’hui nous allons voir le Bureau »
- Révisions du cours précédent: on vérifie que tout est bien assimilé, quitte à remontrer succinctement ; mais attention, cela ne doit pas empiéter sur la séance présente.
- Démonstration: « …tout en bas on a la barre des tâches… avec de la droite vers la gauche…»
- Interrogation par questions de contrôle (2/3 questions rapides, pas plus) : « comment s’appelle la grande barre en bas de l’écran ?»
- Faire faire: « ouvre le menu démarrer » « amène ta souris sur l’icône « Réseau » »
- Conclusion / réponse aux questions: « nous avons vu ensemble ce qu’est le Bureau, avec sa barre des tâches et ses icônes et dossiers posés dessus. Des questions ?».
- Ouverture sur la prochaine séance: « la prochaine fois nous verrons le glisser-déposer, le copier-coller et le couper-coller, qui te serviront tous les jours pour par exemple trier tes photos »
Voilà donc le schéma d’un cours commun, mais efficace.
Mais dans le cas qui nous préoccupe (enseigner à un parent, très certainement âgé), il y aura des impératifs à respecter :
- La durée: si un cours normal fait à des étudiants jeunes est d’environ 50 minutes, ici la leçon ne devra pas excéder 20/30 minutes. Hé oui, passé un certain âge on est plus rapidement moins attentif et la concentration s’épuise rapidement.
Donc ne comptez pas en une seule séance transformer Tonton Hubert en programmeur aguerri.
- Ne tombez pas dans le piège de la facilité: le Bureau s’appelle « le Bureau » et non pas « l’écran d’accueil », qui est tout autre chose. Et les icônes s’appellent des icônes (voir « raccourcis ») et pas « le dessin rigolo » ou « le truc ». C’est important car employer des termes inadaptés fera que face à un autre interlocuteur votre élève ne saura pas s'expliquer et être compris des autres.
De même, si vous vous êtes très à l’aise avec le pavé tactile d’un ordinateur portable, imposez l’usage de la souris à votre élève (ainsi qu’à vous-même pendant le cours). En effet, ce périphérique est bien plus commode et précis pour une main hésitante. Et le jour où votre Tonton se retrouvera devant un PC fixe il ne ressemblera pas à une poule qui a trouvé un couteau.
- Rassurer / encourager: « c’est très bien » ; « Parfait ! » ; « on dirait que tu as fais ça toute ta vie »…. C’est peu de chose, mais ces petits mots ont une grande importance, les gens d’un certain âge doutant souvent de leurs capacités. Même si la personne s’y est reprise à 5 fois pour réussir, complimentez-la !
- N’insistez pas trop en cas d’échec: si elle n’arrive pas à faire une chose malgré plusieurs essais, passez à autre chose, en dédramatisant l’échec quitte à mentir : « C’est normal que tu n’y sois pas arrivé ce coup-ci ; personne n’y arrive la première fois. Mais bientôt tu feras ça les doigts dans le nez, sans même regarder l’écran, un pot de fleur en équilibre sur ta tête et en chantant la Marseillaise en polonais ». Et passez illico à un exercice que vous êtes sûr qu’elle réussira : ne JAMAIS rester sur un échec !!!
- Restez simple, et allez à l’essentiel, sans omettre l’important : inutile de gaver la personne avec des termes trop techniques en étalant votre science. Mettez-vous à son niveau et restez-y.
Voilà, ceci bien assimilé, nous passons à la suite.
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PRÉPARER SON COURS ET SA SALLE DE CLASSE
La fiche de cours :
Dans mon ancien boulot, quand j’étais jeune et plein d’allant, mes chefs m’imposaient de rédiger une vraie fiche de cours, complète. Et quand ce fut moi qui suis passé chef à mon tour, et bien je demandais la même chose à mes subs. Je m’étais bien rendu compte, suite à quelques cours que j’avais donnés en y allant les mains dans les poches, qu’en fin de séance j’étais passé à côté de plein de choses : j’avais raté mon cours, tout simplement.
Alors je ne vais pas vous imposer de rédiger une fiche dans les règles de l’art, mais un petit pense-bête sur une demi-feuille a toute son utilité. Vous pouvez faire sans, mais je suis certain qu’à la fin vous allez vous dire « Ha zut ! J’ai oublié de lui faire faire ça. Et puis ça aussi je l’ai zappé ».
- Voici un exemple concret (entre parenthèses le timing) :
Titre : créer un dossier
But : pouvoir y stocker des fichiers par thème
Objectifs à atteindre : - créer un dossier ;
- le nommer ;
- le renommer ;
- le déplacer dans un autre dossier ;
- y mettre des fichiers.
Durée : 25 minutes
Révision : le glisser-déposer, le copier-coller, le couper-coller (2’)
Présentation de la séance et de son intérêt (2’)
Démonstration + application « créer un dossier » + « le nommer » (5’)
Démonstration + application « renommer un dossier » (3’)
Démonstration + application « déplacer un dossier » (3’)
Démonstration + application « y mettre des fichiers » (3’)
Application globale (5’)
Conclusion / réponse aux questions / ouverture sur le cours suivant : redimensionner une fenêtre. (2’)
Voilà, avec ce simple petit aide-mémoire sous le coude vous n’oublierez rien et votre leçon sera une réussite. De plus si vous êtes du style bavard (hein Christophe ! ), vous aurez un guide horaire sous les yeux vous permettant de rester dans les clous.
Un autre grand intérêt à composer une fiche, c’est que pendant la rédaction on peut d’un coup s’apercevoir que l’on a un doute sur une procédure ou une appellation (par exemple). Et donc on va rechercher l’info pour être sûr de notre coup. Cela s’appelle « réviser ses connaissances », et c’est une étape cruciale à ne pas négliger.
Préparer sa salle de classe :
Ici ce sera bien entendu l’environnement où se trouve l’ordinateur : 2 chaises, pas de soleil qui se reflète sur l’écran, pas de bruit extérieur, etc.
Mais aussi l’ordinateur en lui-même. Et là il va peut-être falloir faire le grand ménage à bord.
En effet, le PC est peut-être « dans son jus », avec les icônes des logiciels intégrés par le fabricant et que votre parent n’a jamais et / ou n’utilisera jamais.
Idem le navigateur qui a une page d’accueil inadaptée, voir remplie de barres d’outils indésirables.
Bref, faites le ménage, en évitant bien entendu de virer les applications et raccourcis qui sont utilisés par votre élève.
Disposez / créez si besoin les différents fichiers ou dossiers dont vous avez besoin pour votre cours : une fois celui-ci commencé, il ne faut pas vous retrouver bloqué bêtement parce qu’il vous manque un utilitaire ou fichier particulier ; pensez que l’horloge tourne et que votre temps est compté.
***
LE PREMIER COURS
C’est le plus important en fait.
Oui, là va se jouer le fait que votre élève veuille à l’issue en savoir plus, et donc accepter d’en suivre d’autres.
Pour cela celui-ci doit vous permettre en premier lieu de faire une évaluation des connaissances de votre élève. Ne préjugez pas de ses capacités, au risque de vous tromper lourdement et de partir sur de mauvaises bases.
En effet, votre élève s'il est là, c’est qu’il n’a pas eu (ou peu) de formation ; et donc il a pris de mauvaises habitudes.
Alors voici une première partie à s'imposer dans le déroulement de votre première leçon :
- Faire démarrer le PC par l’élève
- Lui faire ouvrir son navigateur Internet : là on a souvent des surprises
- Lui faire taper une recherche (simple) dans son navigateur : vous verrez son aisance avec un clavier
- Lui faire fermer son navigateur : idem, on a des surprises aussi…
- Lui poser quelques questions sur ce qu’il fait avec son ordinateur
- Lui faire éteindre son ordinateur : j’ai à plusieurs reprises rencontré des gens qui l’éteignent « au bouton » depuis des années…
Et pour les opérations ci-dessus vous ne devez être que spectateur, ne donnant que les consignes : ce n'est pas le moment d'intervenir, vous observez, c'est tout.
Ce premier tour d’horizon vous aura donc permis de voir le niveau d’aisance de votre élève, mais aussi ses défauts (comme l’ouverture d’un dossier via le clic-droit et non par le double-clic), du mal à déplacer sa souris, chercher comment fermer une fenêtre, etc… Bref, un ou plusieurs trucs qui clochent.
Cette première étape vous aura pris 10 à 15 minutes, il vous reste donc autant de temps à mettre à profit pour corriger une ou deux erreurs de manipulation. S'il y en a trop, n'essayez pas de tout rectifier du premier coup, les cours ultérieurs sont là pour ça.
Voici quelques exemples d’exercices faciles à mettre en place que j’utilise, et permettant de combler au cas par cas la fin de votre premier cours :
1) Pour une personne ayant du mal à déplacer sa souris :
- créer 2 dossiers sur le Bureau, que vous nommez à votre convenance =>
- Faites-la naviguer en déplaçant et arrêtant la souris juste au-dessus des dossiers, le but est qu’elle déplace sa souris rapidement, de façon rectiligne, et arrête le déplacement pile au-dessus le dossier sans le dépasser.
- Une fois cet exercice simple effectué, vous écartez les 2 dossiers =>
Et on recommence l’exercice.
Tout ceci peut vous paraître simple, mais pour certains de vos élèves ce n’est pas l’évidence.
Toutefois, et c’est le but indirect, l’élève y arrivera facilement, et se rassurera sur ses capacités.
2) Pour une personne ayant du mal à effectuer un double-clic :
Tout simplement créer un dossier unique et lui faire ouvrir puis refermer. Je ne vais pas mettre une capture d’écran, hein ?!?
3) Pour une personne ayant du mal avec le glisser-déposer (ou ne le connaissant pas) :
- créez 4 dossiers =>
- faire déplacer le dossier «B» à côté du dossier «A», puis le «B» dans «A» =>
Vous pouvez bien entendu varier en jonglant avec les 4 dossiers, sans chercher à mettre votre élève en difficulté.
Voilà, facile à mettre en place, et comblera un temps restant sur votre plage horaire.
En fin de cours, quelques petites questions de contrôle simples, demander son ressentit global à son élève, et surtout, toujours conclure sur une note positive.
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LES COURS SUIVANTS
Ils découleront naturellement du niveau que vous aurez constaté lors du premier cours, mais aussi des besoins que vous aura exprimés votre élève, comme par exemple « j’aimerais bien classer mes photos », ceci imposant de connaître au préalable :
- créer/nommer/renommer un dossier
- nommer/renommer un fichier (photo)
- le double-clic
- le glisser-déposer
- le copier-coller/couper-coller
- l’affichage des fichiers dans un dossier (très grandes icônes, liste, détails, etc…)
Eh oui, il y a matière à faire.
***
EN RÉSUMÉ ET QUELQUES ASTUCES
L’adage qui dit « un mauvais élève est la faute à un mauvais professeur » n’est pas faux. On est bien d’accord que d’un âne on pourra en faire un mulet, mais pas un cheval de course. Mais tout repose en grande partie dans vos mains.
- Gardez bien en tête ces conseils répétés :
- restez simple
- soyez concis, sans épargner les points importants
- faites manipuler votre élève le plus possible
- restez dans votre créneau horaire
- ne brûlez pas les étapes, soyez progressif
- félicitez, encouragez, montrez les progrès accomplis
- un cours ça se prépare : ce n’est pas optionnel !
Votre premier cours a été un échec ? Mis de côté un élève réfractaire à tout (là on ne peut plus rien pour lui), tirez enseignement de ce qui n’a pas été : cours trop long, pas au niveau, pas de fiche-mémoire de préparée, etc…
Quelle que soit la cause, trouvez ce qui n’a pas été, et corrigez ce/ces points la prochaine fois : on apprend de ses erreurs, et on n’apprend rien quand justement on ne fait rien.
Autre chose : évitez de faire manipuler des fichiers sensibles : par exemple ne prenez pas les photos originales du dossier "Mes images", car en cas de mauvaise manipulation (de vous ou de votre élève), bonjour la catastrophe.…
Vous pouvez bien entendu faire une copie des fichiers sensibles, qui serviront de bac à sable, et à la fin les mettre à la Corbeille, les originaux bien au chaud.
Anecdote : une chose que je fais à chaque fois qu’un/une client(e) me demande de lui créer un raccourci d’un site (sa messagerie par exemple) sur le Bureau.
Je lui dis : « Eh bien je vais vous montrer comment créer un raccourci sur le Bureau ; ainsi vous pourrez le faire chez vous pour les autres sites. Ça vous dit ? »… et bien entendu la réponse est immanquablement « Oui », avec un large sourire de soulagement et de contentement.
Et donc j’explique pas à pas, avec force détails, la manipulation ; refais à nouveau une seconde fois l’opération, et en demandant régulièrement « c’est bon ? Vous avez bien compris ? Je vous remontre ? » etc.
Et une fois que j’ai pour la dixième fois le « Oui, j’ai bien compris », là je supprime le raccourci, glisse la souris dans les pattes du client, et balance « Montrez-moi ! »
Généralement il y a un petit moment de panique, parfois un début de protestation auquel je coupe court en disant « Si vous me dites que vous avez compris, c’est bien que vous avez compris, non ? », en le regardant bien dans les yeux, un large sourire aux lèvres.
Et j’enchaîne illico sur « Allez, on va le faire ensemble ; je suis là, à côté de vous, pour vous guider si besoin »… et je laisse faire, intervenant seulement en cas de besoin réel.
Et parfois, après que la personne ait réussi toute seule à créer fièrement SON icône, je repose la question « vous avez compris ? », et suite à la réponse positive, je supprime à nouveau le raccourci du Bureau, et lâche « Remontrez-moi encore une fois ! », sous les yeux ébahis de ma victime qui voit disparaître son travail.
Et elle recommence, bien plus aisément, et une fois fait je repose la question-qui-tue « Vous avez compris ? », et là c’est les « oui-oui-oui-oui-…ouiiiii » en cascade, la souris vite éloignée de ma portée.
Bon, tout cela je ne le fais pas par pur sadisme (quoi que… ), mais pour être dans la chaîne pédagogique suivante :
- Montrer/démontrer : en faisant devant elle le raccourci et en expliquant verbalement ce que je fais, et ceci à au moins deux reprises.
- Faire-faire : pour que la personne accomplisse elle-même l’action, en la guidant si besoin.
- faire refaire : pour que cela soit un automatisme, si possible sans intervenir moi-même.
Si je m’étais contenté de son premier « Oui » à ma question, arrivée chez elle la personne aurait très certainement été incapable de refaire l’opération. Là elle est désormais en mesure de créer ses raccourcis toute seule.
***
THE END
Nous voici à la fin de ce petit tutoriel.
Il est bien évident que vous ne serez pas des as de la pédagogie juste en l’ayant lu. Mais déjà vous partirez sur de bonnes bases, et puis c’est comme tout : on ne devient forgeron qu’en forgeant.
Maintenant vous n’aurez plus d’excuse pour ne pas aider votre entourage face à l’outil informatique : on peut très simplement donner des mini-cours de temps en temps, sans commettre l’erreur de faire à sa place = si c’est toujours vous qui résolvez les soucis sans montrer au moins quelques petits trucs pour éviter qu’ils se reproduisent, la personne en face n’évoluera pas dans le bon sens.
Et puis avoir quelques notions en pédagogie ça sert aussi pour d’autres choses, comme par exemple dans votre travail où l'on vous file la dernière embauche à former : connaître son niveau, partant de là lui montrer les points-clés à savoir, et sous votre surveillance lui faire réaliser une tâche, ça aussi c’est de la pédagogie.
Même cet article suit une chaîne pédagogique : introduction (éveiller l’intérêt) => explications théoriques (les bases saines) => démonstrations d’applications (démontrer par la simplicité) => cas concret (faire travailler l’imagination, une pointe d’humour en plus)=> Rappel des points-clés (marteau-thérapie) => conclusion.
Je vous souhaite bons cours et vous dis à très bientôt !!!
AZAMOS
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Christophe, Administrateur